• Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d'où je puisse attirer l'attention d'un dieu : on ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l'athée. Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n'était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible à rassasier. [...]

    Mais tout ce qui m'arrive d'important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l'on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule hors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l'espace d'une seconde ou l'espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie [...]

    Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n'ai rien à opposer que moi-même - mais, d'un autre côté, c'est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté.  Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n'aurais plus que mon silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant.

    Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire une raison de vivre.

    Stig Dagerman


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  • La somme des jours inférieurs.


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    Depuis qu'il a décidé de jouer aux dés chacune de ses décisions, le Dr Rhinehart, un psychiatre new-yorkais,a transformé sa vie ennuyeuse en un immense jeu de hasard. Très vite le «syndrome du dé» se répand Expérimentateur en chambre, pionnier du chaos, le Dr Rhinehart a peut-être inventé sans le savoir le moyen d'en finir une fois pour toutes avec la civilisation: Mais le F.B.I. veille...

    Publié aux U.S.A au début des années 70, L'Homme-dé circule sur les campus et devient l'un des premiers livres cultes de la décennie. En pleine libération sexuelle, tandis que l'opposition à la guerre du Vietnam bat son plein, que s'amplifie le soutien aux Black Panthers et à la légalisation de la marijuana, L'Homme-dé apparaît comme un manifeste subversif, affirmant le droit â l'expression de tous les fantasmes.

     

     


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  • "Ce bon vieux George Orwell a tout compris à l'envers. Big Brother ne surveille pas. Il chante et il danse. Il sort des lapins d'un chapeau. Big Brother est tout entier occupé à attirer votre attention à chaque instant dés que vous êtes éveillé. Il fait en sorte que vous soyez toujours distrait. Il fait en sorte que vous soyez pleinement absorbé. Il fait en sorte que votre imagination s'étiole. Jusqu'à ce qu'elle vous devienne aussi utile que votre appendice. Il fait en sorte que votre attention soit toujours remplie. Et avec le genre de nourriture dont on vous alimente, c'est pis que d'être surveillé. Comme le monde vous emplit toujours à tout instant, personne n'a plus à se soucier de ce qu'il a dans l'esprit. L'imagination de tous et de chacun bien atrophiée, personne ne sera plus jamais une menace pour le monde."

    - Berceuse - Chuck Palahniuk

     


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    C'est un esprit de guerre et qui la fait à tous, ses langueurs sont trompeuses, il est mal consolé d'une vertu qu'il ne pardonne aux autres, il voudrait leur en faire sentir l'amertume, il les observe, il les méprise, il les jalouse, il les tourmente en affichant l'amour du bien, il s'autorise de son inclémence naturelle pour désoler de bonne foi ceux qui vaudraient au moins autant, s'ils n'étaient voluptueux ou sensibles. Il joue en un mot les dragons en usurpant sur la morale, multiplié par cent et mille il devient redoutable et se plaît au malheur du monde, cela va jusqu'à pousser à la roue... Le mal y gagne au souverain degré, les apparences étant sauves et les prétextes hono­rables, si ce n'est admirables : l'on sent tout ce que peut un bien qu'anime une fureur où la bonté n'a part, ce tempérament-là force une montagne à marcher, il la renverse ensuite sur les hommes au nom des grands principes. Voilà ce que c'est que l'esprit de chasteté, le monde l'a connu, cet esprit s'est vengé du monde, ses oeuvres font l'étonnement des peuples et des siècles, l'étude que l'on entreprend du mal ne pouvait négliger ce tour. Les amants trop heureux sont pacifiques, les libertins, accommodants et les familles, absorbées, restent les hommes chastes, leur venin, leurs élancements, leur frénésie et leurs méthodes : ils nous l'auront fait voir et nous les soupçonnons après tout ce qui passe la mesure, eux et leurs proches, leurs proches étant ce ramas de chastes plus ou moins manqués en proie à l'agitation sans cause ni remède, que rien n'apaise et qui dévorent un chagrin né l'on présume assez de quel inassouvissement. La preuve en est qu'un homme ren­contrant ce qu'il désire, et le trouvant à sa parfaite convenance, ne produit pas beaucoup et ne s'agite point, il goûte sa félicité, le bonheur est l'école de la nonchalance. L'esprit de guerre est un besoin qui ronge, une amertume qui fermente, un lot d'ambitions qui pressent, cela forme une volonté de mort, la mort est le climat de toute continence.

     

     

     

    Albert Caraco – Huit essais sur le mal.

     


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